Et si nous parlions du périnée des hommes ? Interview de Christine Bataillon
Le plus souvent lorsque que nous abordons le sujet du périnée, nous pensons directement aux femmes et plus précisément à la rééducation périnéale post-accouchement.
Et pourtant, cet ensemble de muscles et de ligaments situé entre le coccyx et le bassin est présent chez tous les humains.
Pour tout savoir sur le périnée des hommes, nous avons posé quelques questions à Christine Bataillon, kinésithérapeute spécialisée dans la rééducation du périnée et présidente de l’AFRePP, l’Association Française de Rééducation en Pelvi Périnéologie.
Quel est le rôle du périnée chez les hommes ?
Le même que chez les femmes !
Tout d’abord il est important de rappeler de quoi nous parlons. Le périnée est un ensemble de tissus qui constitue la paroi inférieure du pelvis, limité en avant par la symphyse pubienne et en arrière par le sacrum et le coccyx ; chez l’homme comme chez la femme, il contient la partie terminale des voies digestive, urinaire et génitale.
Cette entité comprend un ensemble de muscles organisés en trois plans : profond, moyen, superficiel, couramment appelé muscles du plancher pelvien ou du périnée.
De part son anatomie, le périnée a un rôle dans les fonctions excrétrices : urinaire et digestive, ainsi que dans la sexualité.
Il faut également prendre en compte le rôle d’adaptation du périnée aux pressions abdominales lors des efforts courants ou sportifs.
À partir de quel âge le périnée des hommes s’affaiblit-il ? Quelles peuvent être les conséquences ?
Tout dépend de ce que l’on considère.
Les troubles urinaires liés à l’hypertrophie bénigne de la prostate peuvent se présenter à partir de 45 ans chez certains, la tranche d’âge la plus fréquemment citée étant la cinquantaine.
Les troubles liés à l’andropause et aux phénomènes hormonaux tels que la baisse de testostérone apparaissent plutôt vers 60 ans, sachant que certains subissent ces modifications plus tard, vers 70 ans.
Pour ce qui est de la faiblesse musculaire, des troubles digestifs et urinaires, ils surviennent plutôt après 60 ans. Ils sont principalement liés au vieillissement des organes et des tissus conjonctifs et à une plus grande sédentarité.
Les conséquences sont liées aux rôles du périnée évoqués plus haut, elles consistent en des dysfonctionnements, principalement dans les sphères urinaires et digestives.
Quels sont les signes de dysfonctionnement du périnée chez l’homme ? Comment y remédier ?
Chez l’homme, les signes les plus fréquemment rencontrés sont :
- sur le plan urinaire : une difficulté à uriner (jet diminué, miction par poussée abdominale), augmentation de la fréquence des mictions, besoins d’uriner la nuit, gouttes retardataires, infections urinaires récurrentes, rétention ;
- sur le plan digestif : constipation, hémorroïdes, fissures anales etc…;
- sur le plan génital : principalement des troubles érectiles, érections de moins bonne qualité et moins fréquentes.
Si ces dysfonctionnements sont récurrents, il est préférable dans un premier temps de consulter un médecin généraliste ou spécialiste pour faire le point.
Un kinésithérapeute peut accompagner un homme avec des séances de rééducation périnéale. Comment cela se déroule ?
Une série de séances de rééducation pelvi-périnéale doit toujours être précédée d’un bilan diagnostic kinésithérapique.
Ce bilan consiste en :
- un interrogatoire portant sur la gêne ressentie, l’état général du patient, les habitudes de vie, les différentes sphères concernées (urinaire, digestive, génitale) ;
- un examen clinique qui prend également en compte la posture : présence ou non d’une hyperlordose ou d’une distension abdominale ;
- une évaluation des muscles du plancher pelvien, des abdominaux et de la mécanique respiratoire ;
- une explication au patient du type de soins adaptés à sa pathologie.
Après ce bilan, une information éclairée sur les différentes possibilités thérapeutiques et la rééducation choisie sera exposée au patient, son consentement sera recherché pour leur application. Différentes techniques peuvent être utilisées :
- prise de conscience de la contraction et du relâchement des muscles du plancher pelvien par contrôle digital (toucher rectal) et apprentissage des auto contractions ;
- bio-feed-back EMG ou pression, électrostimulation par voie anale ;
- coordination abdomino-diaphragmatique et contrôle des poussées ;
- travail des cicatrices en cas d’intervention chirurgicale touchant la paroi abdominale.
Des conseils d’éducation à la santé adaptés aux besoins seront donnés. Le patient devra effectuer une auto rééducation. Ce travail personnel se traduira par un changement comportemental : pas de poussée lors de la miction (fait d’uriner).
Le périnée subit aussi des complications en cas d’atteinte à la prostate. Pouvez-vous expliquer le lien entre la prostate et le périnée chez les hommes ?
La prostate entoure l’urètre et est située sous la vessie. Cette disposition, associée à un urètre long chez l’homme constitue un dispositif de continence passive très efficace.
La prostate est présente à la naissance. Son volume augmente physiologiquement à la puberté et peut devenir un obstacle à l’évacuation vésicale vers la cinquantaine.
Cette particularité anatomique a deux incidences :
- l’homme aura tendance à mal vider sa vessie en cas d’obstacle (pathologie urétrale ou prostatique) ;
- il utilisera peu son périnée pour se retenir d’uriner et n’en aura donc pas toujours une très bonne conscience.
Dans le cas de l’hypertrophie bénigne de la prostate, il s’agit d’un mécanisme d’obstruction qui engendre des troubles mictionnels plus ou moins importants (du jet diminué à la rétention aigüe).
Dans le cas de la chirurgie prostatique, prostatectomie radicale ou résection d’un volumineux adénome, les patients souffriront plutôt d’incontinence car ils devront compter sur leur sphincter strié pour être continents alors que celui-ci s’était déshabitué à travailler pour assurer cette fonction (inertie de non utilisation).
Comment un homme peut-il préserver son périnée ? Avez-vous quelques conseils ?
Pour préserver son périnée, il est important :
- d’avoir une hygiène mictionnelle correcte ;
- de ne pas s’enfermer dans un système de poussée systématique et de gérer les efforts au niveau de la sangle abdominale (poussée mictionnelle, effort de défécation) ;
- attention ! La contraction périnéale intensive peut être délétère pour la miction, la défécation et la sexualité.
Un mot pour la fin ?
Conclusion, tout le monde a un périnée ! De l’enfance à la fin de vie, votre kinésithérapeute pourra vous aider à préserver votre périnée, à le rééduquer et à lui rendre son efficacité. Votre kinésithérapeute est le spécialiste de la rééducation périnéale, n’hésitez pas à faire appel à lui.